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2 novembre 2006 4 02 /11 /novembre /2006 00:00

Mission accomplie.

On a prélevé mon sang (attention, je vais piquer, respirez…ça coule pas…), j’ai pris mon petit déjeuner, mes médicaments.

Je me suis rasé assis, l’infirmière de jour a bien voulu débrancher la perf pour la douche, que j’ai prise le bras gauche en l’air, d’où pendouille la tubulure emmaillotée d’un pansement à l’étanchéité théorique. Je suis rentré vite fait jusqu’à ma chambre m’effondrer sur mon lit, tremblant d’épuisement, haletant, attendant d’avoir repris mes esprits avant de m’habiller par petites étapes.

Le Dr C. est entrée, tout sourire, accompagnée de la smala anonyme ( sourires un peu plus timides, tout de même ).

OK, chimio cet après-midi, puis vous rentrez à la maison.

Au revoir, Madame.

11H00.

J’enfile un gilet : je vais tenter un raid vers l’extérieur.

Le pied à perf dans ma main moite, je franchis la porte de la chambre, la cloche invisible de protection s’installe automatiquement, m’enveloppant d’un halo visible de moi seul.

Faible sourire rassurant à destination des infirmières qui s’agitent autour de leurs chariots, direction sortie.

Chuintement de la double porte à ouverture commandée par cellule photo électrique, j’ai la sensation d’être un évadé qui franchit victorieusement la première épreuve de son plan.

Le couloir conduit jusqu’aux ascenseurs.

Au rez-de-chaussée, comme d’habitude, des gens tentent de s’engouffrer dans la cabine avant que de réaliser qu’auparavant quelqu’un souhaiterait en sortir.

Les distributeurs de café n’ont pas bougé, les sièges non plus. Je n’ai pas envie d’un café, mais j’en prends un quand-même, pour me donner l’alibi de faire une pause. L’une des deux machines est dotée d’un ingénieux dispositif. Le récupérateur de monnaie présente une fente de taille suffisante pour que les piécettes puissent s’y glisser pour le peu que l’on fasse preuve d’un minimum de maladresse, et tombent alors à l’intérieur de la machine. J’aimerai voir la tête du type chargé de l’entretien de l’automate.

Je fais l’appoint.

Puis je me lance le défi d’emmener le café à l’entrée du centre.

Pied à perf tintinnabulant, me faisant penser à ces caténaires d’auto tamponneuses d’une main, gobelet plastique brûlant les doigts de l’autre, cloche de protection poussée à son maximum, je me lance dans le couloir de la mort.

On va et vient sans autre souci que de soi-même, les piétons zigzaguent en cherchant à s’orienter, on surgit des embrasures de portes ou d’escaliers, des ambulanciers poussent des brancards à toute vitesse, des fauteuils roulants tentent de s’en sortir comme ils le peuvent, des chariots divers jouent les troubles fête, nettoyage, maintenance, les consultants perdus demandent des renseignements à d’autres égarés, formant des petits groupes inertes stagnants ici et là, des étudiants rieurs filent avec souplesse vers leur cours, des ouvriers transportent de longs tubes en inox, l’un d’eux écrase par mégarde un raton laveur qui passait par là de sa chaussure de sécurité.

Havre de paix, à mi-couloir un nouvel espace d’attente doté de distributeurs, l’un de pommes, l’autre de friandises est occupé par un teufeur d’une vingtaine d’années. Pantalon de camouflage et rangers, débardeur giclé de peinture, bracelets de cuir et piercings multiples, il est affalé du bout des fesses au bord d’un siège de plastique moulé, agité de spasmes convulsifs, pliant et tendant les membres à un rythme syncopé, agitant sa crête d’Iroquois colorée de rouge. Mini teufeur le surveille du coin de l’œil. C’est un enfant d’une douzaine de mois qui se tient vacillant à la table basse où s’empilent les «  notre temps », la seule revue qui n’est pas volée par les visiteurs. Il porte lui aussi un pantalon de coupe militaire, ses cheveux frisottés redressés en crête par du gel capillaire. Le père en transes est en train de s’exciter sur un petit sachet de confiserie qui soudain explose en une multitude de pastilles colorées qui s’envolent gracieusement dans les airs avant que de retomber au sol dans un joyeux cliquetis qui fait éclater de rire le petit.

Je poursuis vers le hall, chuintement de porte automatique, enfin dehors, je me jette sur un plot de béton.

La rue, la vie.

Un soleil vif m’arrache les rétines, le bruit est infernal, un bus qui bloque la circulation enveloppe la scène d’un épais nuage de fumée bleue que j’aspire à pleins poumons tandis que les klaxons rageurs et le marteau piqueur du chantier contigu bercent mes tympans enchantés. Ivresse des sens.

Stoïques, des consultants attendent vainement les ambulances qui doivent les ramener chez eux.

L’un d’eux est planté à côté de moi. De petite taille, sanglé dans un costume beige au pantalon trop court marqué d’un pli parfait, veste cintrée style des années soixante-dix, lunettes carrées aux verres teintés, béret basque, canule de trachéotomie, il a le visage impassible d’un Mao qui attend serein l’avenir radieux. Sa femme obèse serre sur sa panse de ses doigts boudinés une liasse de papiers chiffonnés. D’autres vont et viennent, s’avancent au bord du trottoir pour tenter d’apercevoir la cause du bouchon, des ambulanciers lancent leurs bras au ciel ou vocifèrent dans leurs téléphones portables.

J’allume mon cigare que je réussis à faire durer jusqu’à ce que la circulation se rétablisse et que reprenne le ballet bien rodé des ambulances.

Je rentre, sonné de bruits, d’odeurs et de nicotine.

La teufeuse a rejoint sa petite famille. Yeux charbonneux, longs cheveux noirs dressés, mini tee-shirt sur poitrine menue, mini-jupe, collants fantaisie, après-ski poilus, à quatre pattes, son petit cul tendu vers les regards des passants, elle ramasse une à une les pastilles colorées épandues au sol, tandis que l’autre, indifférent, fait sauter miniteufeur sur ses genoux dont il ne parvient toujours pas à faire cesser l’agitation spasmodique.

Je fais une pause dans les sièges qui font face aux ascenseurs.

Au bout d’un moment, je m’avise qu’il y a une porte dans l’encoignure du mur cachée par un poteau, qui porte l’inscription «  jardin ».

J’empoigne mon pied à perf, et j’emprunte un couloir miteux au carrelage défoncé pour aboutir à une espèce de terrain vague.

Des échafaudages sont accrochés aux façades d’où pendent des cordes, des matériaux divers gisent çà et la parmi l’outillage épars et les détritus de toutes natures, mégots, gobelets, boites de soda, reliefs graisseux de repas, branches éparses, poubelles débordantes.

Au sommet du monticule central envahi d’herbes folles et d’arbustes indéterminés a été installé un de ces chapiteau de toile cirée aux couleurs de fête sous lequel se serrent des membres du personnel en tenues blanches qui viennent ici fumer à l’abris du regard des patients, assis sur les bancs de bois disposés autour d’un cendrier de béton saturé jusqu’à la gueule.

La flaque de boue poisseuse qui stagne au seuil de ce riant îlot de nature m’interdit le passage, mon pied à perf n’est pas équipé de roues tous terrains, et j’ai oublié ma machette, je parviens néanmoins à me caler les fesses sur la traverse d’un échafaudage où j’allume un nouveau cigare.

Cliquetis.

Un pousseur de pied à perf me rejoint à la porte.

Pyjama rayé, charentaises défoncées, casquette de marinier enfoncée sur un crâne déserté, il s’arrête au seuil comme moi.

A sa manche droite retroussée un patch de couleur chair brille au soleil.

Nicotinique nostalgie.

Faut qu’j’arrête de fumer, dit-il, le regard humide, le nez flairant les volutes qui s’échappent de mon cigare.

André a cinquante-six ans, il en paraît soixante-dix.

Comme d’habitude, on déballe.

Les deux divorces, la cité, les gosses en prison, le Ricard, la pétanque, et maintenant l’hosto.

André est gardien de musée. C’est mon premier. Toute une vie où il ne c’est jamais rien passé, le silence des salles vides, de temps en temps un visiteur égaré, un groupe scolaire, un car de vieux. J’essaye d’en savoir plus, de le faire évoquer un souvenir, un événement, une anecdote, il ne sait plus, André, maintenant il n’attend plus que son transferts dans une maison de repos, là-bas, quelque part rive gauche, il a oublié le nom.

Je m’accroche à la traverse de métal sur laquelle je suis assis, ma vision se trouble de rouge de plus en plus intense, j’ai à peine le temps d’apercevoir le visage d’un jeune médecin qui passe par hasard, je tombe raide dans ses bras.

…………………

Ca va, Monsieur ?

J’ai l’impression que l’on m’a déjà posé la question à plusieurs reprises, quand je voyais défiler à toute vitesse les plafonds d’un couloir glauque.

Nouvelle baffe.

Ca va, Monsieur.

Je marmonne un truc.

On me balance sur le lit.

Il va mieux.

Le Dr L. entre, il m’ausculte rapidement tandis que je reprends mes esprits, ça y est, cette fois j’y suis.

Interrogatoire.

Bon, on va vous garder en observation, je ne peux pas vous laisser sortir sans savoir ce qu’il c’est passé.

Il sort.

L’infirmière me prélève du sang, je m’aperçois que je me suis pissé dessus.

Finalement, j’en reprends pour quatre jours d’hosto.

Fermes.

 

 

 

 

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31 octobre 2006 2 31 /10 /octobre /2006 00:00

Se lever plus tôt qu’en semaine.

Terrasse, arabica, estimer le temps qu’il fera (acceptable)..

Écouter les bruits matinaux d’Antoine et de Caro.

Laisser Camille dormir.

Décider d’aller au marché St Marc.

En conséquence, se hâter.

Trouver une place de parking.

Filer vers les poissonneries, en admirer les produits, se faire ouvrir quelques kilos de coquilles St jacques. C’est la saison qui débute.

Puis faire toutes les travées du marché afin de n’en omettre aucune.

S’émerveiller à chaque pas de la beauté des produits, les comparer, les toucher, les humer, les goûter, en acheter quelques-un que l’on va ranger avec soins dans le caddy.

Les fromages, les charcuteries, les légumes joufflus, les fruits brillants.

Glisser dans la foule qui se densifie peu à peu.

S’amuser des autres promeneurs.

Se rendre jusqu’aux confins, vêtements, quincaillerie, brocante.

Tout regarder.

Perdre Antoine.

Après quelques minutes d’affolement, le retrouver au stand d’un marchand de jouets.

Se fâcher.

Être heureux.

Lui acheter l’avion qui tourne sur lui-même en clignotant de toutes parts en émettant des sons insupportables.

Lui expliquer qu’il faudra le monter à la maison, mais qu’il doit rester dans sa boite pour le moment.

Se faire pardonner de Caro.

L’emmener en douce jusqu’aux fleuristes.

La regarder hésiter, choisir.

Payer pour elle.

Faire semblant que c’est une surprise.

S’embrasser.

Aller au bistrot.

Prendre un panaché, un muscadet, une petite grenadine avec une paille.

Fumer.

Acheter un petit gâteau pour Antoine, un croissant pour Camille, du bon pain, des gâteaux.

Rentrer.

Se bousculer en riant dans l’ascenseur, chargés de paquets.

Croiser Camille dans le couloir de l’appartement, cheveux ébouriffés, lunettes de travers, d’où vous venez ?

De la lune ! Lui donner son croissant. Super !

Ranger ( Caro)..

Monter l’avion d’Antoine, parer sans cesse à son impatience, râler contre l’incroyable perversité des concepteurs chinois d’emballage.

Éponger les coquilles sur du papier absorbant ( surtout ne pas rincer, ou alors dans du lait).

Sortir le matériel de cuisine adéquat.

Faire clarifier un bon beurre aux cristaux de sel à feu très doux dans une casserole à fond épais.

Écumer, laisser refroidir.

Dresser la table avec les jolis couverts.

Vérifier qu’il y a au frais une bouteille de Muscadet sur lie.

Chauffer l’eau du riz.

Faire cuire à la vapeur quelques courgettes et quelques carottes finement débitées ( couteaux japonais ).

Les réserver sur un papier absorbant.

Brancher France Inter pour écouter l’émission «  Philo-Fil ».

Prévenir que l’on mangera à 13H00 ( l’émission terminée).

Finir de préparer la table. Eau, pain, fleur de sel, poivre, les fleurs sont en place, serviettes en tissus.

Faire glisser le riz thaï dans l’eau qui frémit, chauffer le four, y mettre les grandes assiettes blanches.

Répartir le beurre clarifié dans deux poêles, très peu dans celle destinée aux légumes, tout le reste pour les coquilles. Feu vif.

Mettre le tablier, ça va gicler.

Spatules de bois.

Installer les coquilles dans leur poêle, les laisser roussir doucement, faire sauter vivement les légumes, les sortir pour un autre récipient pour qu’il restent croquants.

Vérifier la coloration des coquilles, les retourner une à une.

Égoutter le riz qui est cuit.

Crier «  à table « , entendre Antoine répéter «  à table «  à sa sœur, à sa mère, les voir arriver dans la cuisine pour me demander si j’ai besoin d’aide, les refouler comme d’habitude.

Sortir les assiettes du four avec les gants, les dresser, tour de poivre, quelques baies, cuillerée de beurre.

Veiller à l’harmonie des quantités, des couleurs, essuyer les bords des assiettes.

Petit trait final d’un très bon vinaigre balsamique pour souligner les légumes.

Servir Camille et Antoine, Caro et moi ensuite.

Ôter le tablier, les rejoindre.

Goûter une gorgée de Muscadet.

Trancher en deux une coquille, s’extasier de sa cuisson parfaite ( grillée à l’extérieur, encore rosée à l’intérieur, on ne peut obtenir ce résultat qu’avec le beurre clarifié brûlant).

Religieusement, manger.

Parler, commenter le repas, rire.

Attendre que chacun ai terminé, partager les restes.

Finir le verre de vin.

Changer les assiettes ( je ne fais plus rien ).

Laisser Caro amener les tartelettes aux framboises.

Voir la joie gourmande d’Antoine et de Camille.

Apothéose.

Les laisser débarrasser.

Terrasse.

Cigare.

Ce cigare, je suis en train de le fumer, assis sur un plot de béton, devant le centre Becquerel.

Ce n’était qu’un Virtual Sunday.

 

 

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30 octobre 2006 1 30 /10 /octobre /2006 00:00

J’aime les vieilles voitures. Je ne parle pas de véhicules de collection, mais de modèles anciens qui ont vécu, désuets et capricieux, qui nécessitent du doigté, et se pilotent plus qu’ils se conduisent. La 2 CV que j’ai possédé quelques temps me ravissait, chaque déplacement en sa compagnie devenait une aventure, une croisière jaune.

J’aime surtout les motos, ces phallus improbables, surpuissants et tonitruants.

Je rencontre Tony un soir de face à l’entrée du centre anti cancéreux. Comme moi il est descendu fumer, accroché à son pied à perf. On s’est installé spontanément de part et d’autre de la porte automatique telles des sentinelles, même les petits dealers qui passent détournent le regard.

On se présente, le cancer désinhibe, les conventions sociales tombent, l’urgence vitale vous assoiffe d’écouter l’autre et de se dire, la logorrhée s’empare de vous.

En quelques minutes, je sais tout de lui.

59 ans, leucémie lymphoïde depuis 20 ans, rémissions et diverses rechutes, cancer de la prostate opéré il- y a deux ans…

Tu ne bandes plus, alors ? Dis-je

Il hausse les épaules. Non, mais je m’en fous, enfin, on s’habitue.

Et ta femme ?

Elle aussi s’est habituée.

Désolé, mais je n’arrive pas à le croire. Tu sais qu’il existe des moyens pour vous satisfaire?

Il hoche la tête.

Maladroit, indélicat, désinhibé j’insiste, angoissé soudain que je puisse me trouver dans la même situation :

Il existe des gadgets pour ta femme, et des techniques médicales pour toi…

J’ai les seringues à la maison, mais j’ai pas essayé.

Je vois, ces injections intra caverneuses qui procurent une érection mécanique.

Le problème, poursuit-il, c’est que j’ai des saignements.

Tu pourrais mettre un préservatif quand tu bandes…

Mouais, fait-il…

Toute cette cuisine n’est pas très sexy, je lui accorde. Je sens qu’ils sont de ces couples pour qui la sexualité gravite essentiellement autour du coït, je ne veux pas le blesser, on change de sujet.

Mon premier jour de boulot, j’avais 16 ans, le patron me fait descendre dans une cuve pour la nettoyer. L’imprimerie. C’est plein de produits toxiques dégueulasses, l’imprimerie. A l’époque, on m’appelait Antoine, à cause de mes cheveux longs et de mes chemises à fleurs. J’en ai récuré de ces cuves, j’en ai sniffé des solvants, toutes ces saloperies. Alors maintenant, je suis pris en charge en tant que maladie professionnelle, je suis bien sur le plan pognon, et puis ma femme travaille à la préfecture.

On a déménagé à Rouen, au moment de ma prostate, en appartement, avant on habitait à la campagne, on se faisait chier, les enfants sont partis, on ne les voit presque plus, alors on s ‘est dit…

Et puis maintenant, Claudie, elle peut aller au travail à pieds, et moi je suis plus près de l’hosto.

L’appart est bien, on est près de tout, ça fait moins de boulot.

Son discours s’éteint peu à peu, à bout d’arguments.

Alors dis-moi, qu’est ce que tu fais de tout ton temps libre ?

Son visage s’éclaire.

Moi, c’est les bagnoles.

Il change de voiture tous les six mois, que des japonaises, de plus en plus puissantes.

En ce moment, j’ai un cabriolet Mazda, préparation spéciale, bicolore, superbe, mais je vise déjà autre chose.

La journée, pendant que la Claudie est à la préfecture, au service des cartes grises, il l’arrose, la savonne, la sèche, l’oint de polish, l’astique, l’aspire.

Je ne peux m’empêcher de les voir, la fin de l’après-midi venu, s’installer, en soupirant d‘aise, sa Claudie et lui, dans la Mazda au tuning ravageur, pour se rendre à la supérette du quartier faire les emplettes du jour ( ça a un petit coffre, la Mazda ).

La bite molle de Tony et le vagin sec de Claudie se laissent bercer par les vibrations du moteur qui chauffe, un bref coup d’accélérateur de temps en temps fait monter l’excitation, puis on part, le rythme devient plus régulier, la Mazda respire bien, en route vers le plaisir.

L’évocation a apaisé Tony, un large sourire éclaire son visage, il a oublié qu’il commence demain la chimio en chambre d’isolement, qu’il fume sa dernière clope avant longtemps.

Claudie va bien soigner la Mazda.

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30 octobre 2006 1 30 /10 /octobre /2006 00:00

Il y a cette scène culte dans " 2001, l'odyssée de l'espace " où le héros, convaincu que l'ordinateur de bord manipule son psychisme, débranche une à une les mémoires de la machine.

Scène hallucinée. L'intelligence artificielle qui a compris les desseins du voyageur de l'espace tente d'abord de le convaincre, le séduit, le menace, use de toutes les ficelles pour le faire renoncer. A mesure que l'homme détruit les mémoires, les arguments faiblissent, la voix devient plus lente, s'infantilise, pour finir en supplique sous forme de chansonnette...

Le myélome a vu le film.

La hausse de mon taux de protéines additionné de la baisse du taux d'hémoglobine entraînent une diminution de mes capacités cognitives dont je suis cruellement conscient.

A cela s'ajoutent les désordres de nature psychologique : bipolarisation de l'humeur, désinhibition, logorrhée, épisodes anxieux.

Pourtant je veux à toutes forces conserver toute ma lucidité.

Ma force physique m'a abandonné, et je m'en accommode, mais je veux pouvoir PENSER.

Tout à l'heure, une infirmière va venir exécuter la prescription de l'hématologue. Je ne suis plus sûr d'avoir bien expliqué mes troubles.

Aurai-je droit à une transfusion qui oxygènerait mes petits neurones, ou vais-je assister impuissant à l'infantilisation des mes capacités jusqu'à en perdre le contrôle ?

Qu'est ce que je pourrais chantonner ?

Une souris verte, une poule sur un mur, bateau sur l'eau...

23H15, les culots sont arrivés, on me transfuse.

Fais dodo, Colas mon p'tit frère...

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26 octobre 2006 4 26 /10 /octobre /2006 00:00

Je me sens ce matin comme le battant d'une cloche.

Oscille autour de moi la robe de la cloche comme mon corps autour de mon esprit.

Chaque frôlement m'ébranle et me force à me poser sur ce petit tabouret que j'ai pris l'habitude de traîner avec moi afin de pouvoir m'assoir au plus vite.

Inutile de se voiler la face : je ne tiendrai pas seul sans prendre de risque jusqu'à la chimio de demain.

Aucune douleur, seule une grande faiblesse.

Je prends deux heures pour boucler ma valise, emmener mon PC, me baigner ( à quand la prochaine douche ?), entrecoupées de repos.

Chance : ils ont un lit disponible en hémato.

J'appelle l'ambulance, ils seront là dans la demi-heure.

Pas de blog pendant quelques jours, désolé...

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25 octobre 2006 3 25 /10 /octobre /2006 00:00

Pause.

Caro et Antoine sont partis à Dinard.

Papoum est décédé à la mi-septembre, il n'est malheureusement pas possible de garder la maison familliale qu'il faut vendre, le pélerinage s'organise. C'est la Toussaint, chrysamthèmes et moules marinières.

Pendant ce temps, je joue chez nous au vieil escargot bourré de cannabis , rayon d'action : 3 mêtres cinquante . Malgré la tempête qui sévit sur la Manche, je coule des jours paisibles entre deux chimio, et mes thérapies personnelles : tête de veau, chocolat, conversations avec mes amis.

Jacques monte sa boite de secrétariat par téléphone. C'est une énergie pure, un chargeur de batteries, une femme et trois filles toutes magnifiques. On parle de la vie en chti, pudiques mais vrais.

On se fait du bien, deux heures, il s'avale tout le chocolat , puis repart travailler. J'ai oublié de lui demander s'il répétait ce soir, le théatre.

Camille reste à Paris pour les vacances, elle va repeindre l'appartement avec Martine.

Elle est régulièrement citée en exemple par ses professeurs, créative, douée, je le savais.

J'ai rarement été aussi heureux.

Si ce n'étaient ces foutus trois mêtres cinquante.

( Boris VIAN : " La java des bombes atomiques " ).

 

 

 

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23 octobre 2006 1 23 /10 /octobre /2006 00:00

Au début des années 60, nous n'avions en France qu'une chaîne de télévision  en noir et blanc qui émettait sporadiquement des programmes rigidifiés.C'était l'époque du ministère de l'information, des "histoires sans parole" du dimanche après-midi, du catch du mercredi soir. Le jeudi était alors le jour de repos des écoliers.

Il fallait allumer le récepteur qui, chez moi, trônait -débauche technologique- sur le Frigidaire, et les spectateur attendaient ,le souffle coupé, que chauffent les lampes, et que veuille bien s'éclairer le minuscule écran de la lanterne magique.Le suspense de la phase d'allumage était tout aussi intense que cette mythique phase d'alunissage ressenti plus tard, le 21 juillet 1969 à exactement 3H56 ( heure française), quand le pied de Neil Armstrong frôla le sol lunaire.

Lunaire

C'est le mot qui décrit Camille.

Néolunaire.

Le néolunaire n'est pas ce Pierrot qui danse sous la pleine lune.

La néolunaire surfe sur le web, la télé tournée vers elle pour suivre "Le" feuilleton débile à ne rater sous aucun prétexte, tout en écrivant un SMS pour les copines et téléchargeant illégalement ses MP3, se demandant si par hasard elle ne serait pas en train d'oublier un truc, genre devoir.

Je ne suis pas le seul à détenir un exemplaire à domicile de cette cruelle engeance.On voit de quoi je parle.

J'imagine qu'elle doit aussi se gratouiller le ventre en se demandant ce que j'aurai préparé pour le dîner. Douceur du foyer.

"Inter quoi ?" me fait-elle avec ses quelques neurones de cerveau disponible.

INTERLUDE, dis-je? Ca te dit quelque chose "interlude " ?

Elle reconnecte vite.

Non, c'est quoi ?

J'adore quand elle me donne sa priorité mentale.

J'explique. Les pannes incessantes, l'impression de suivre des émissions en morse, les longs silences et l'écran noir. Et le soupir des spectateurs quand apparaîtl l'image qui signifie que l'on est encore relié au monde, même si ça ne marche toujours pas.

Alors défilait le cultissime petit train et son rébus, dont on n'avait parfois même pas la solution, partagé dans ce cas par la frustration et le plaisir de reprendre l'émission en cours.

Bon, je voudrais lui raconter tou cela, mais son téléphone sonne.

INTERLUDE

Beaucoup d'interludes en ce moment, ce doit être la saison...

 

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19 octobre 2006 4 19 /10 /octobre /2006 00:00

FACE A DIEU ET FACE AU WEB, JE JURE :

1)De dire à CARO toute la vérité, rien que la vérité de ce que j'aurai décidé savoir de ma maladie.( elle est persuadée que je lui cache des info. pour la protéger, alors que je la protège en lui disant tout...)

2)De ne plus mettre mes doigts dans le nez devant Antoine, même si je suis en train de m'abrutir le cerveau devant une imbécilité télévisuelle ( le challenge ).

3) De m'efforcer de ne plus user de moyens aussi consternants que les pets( ce genre de "KULTUR", je vous autorise à tirer votre revolver, et à m'envoyer des virus) et les crottes de nez, pour tenter de faire sourire mon indulgent lectorat (108 pages lues le 18/10/2006, je suis sûr que vous pouvez faire mieux, en communicant l'adresse du blog, j'ai grand besoin de gonler mon EGO d'écrivain frustré ).

4)De m'abonner un jour à un bon correcteur daurtograffe et 2 veaukabullèrt.

5)De relire mes textes, et de faire preuve de rigueur. De cesser les manipulations. (la vache...).

6)Il faut que j'arrête, la barque est pleine...( après tout, "je suis malaaadeuu, complêtement maladeuuuu ", j'en reparlerai ).

Je ne sais pas pourquoi je sens que 2007 va être une année merdique ( c'est le seul point commun que j'ai avec Elisabeth Teissier).

Allez, je n'attends pas le premier janvier : je commence TOUT DE SUITE .

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19 octobre 2006 4 19 /10 /octobre /2006 00:00

C'est dans les phases de rêveries délirantes, après que mon cerveau se soit épuisé dans l'hyper excitation, qu'ils arrivent.

Aujourd'hui le Maître catalan me fait l'honneur d'une visite.

Bien qu'il se tienne derrière mon épaule droite, traversant avec nonchalance le mur de son train de dandy- roi des surréalistes, je distingue nettement ses moustaches obsessionnellement cirées, sa longue chevelure, sa divine folie qui semble le précéder .

Je vois sa "Cène", son "Christ en croix ", " Gala magnifica ", Les "montres molles", les éléphants aux pattes graciles, " Gala auto- sodomisée par les cornes de sa propre pudeur", le piano aux Lénine, la Vénus aux tiroirs...

Je rêve à Port-Ligat, à la vie ascétique qu'il mêne au début, aux grands qui l'ont visité pour témoigner de leur déférence,tandis que ses orteils se tortillent d'aise dans ses espadrilles, que Gala grille au bord de la mer, sous Son soleil espagnol et sur un feu de fortune, quelques sardines locales.

Penser à relire " Journal d'un Génie", théorie de la paranoîa critique, suivi du délicat "'art de péter", élégamment sous-titré " Manuel de l'artilleur sournois ", d'un classicisme outré ( pastiche évident des "livrets" du XVIII°, selon moi ), d'une irrésistible drôlerie .

Dans la même veine, alors que s'écoule ma perfusion de chimio, relire "Evgueny Sokolov ", de Serge Gainsbourg, où l'on apprend par quels subterfuges- entre autres s'adjoindre les services d'un vieux chien malade lors des dîners en ville- on peut s'affranchir socialement d'une pétomanie rebelle.

Et cette anecdote qu'on prête à l'Empereur qui, fieffé roué, après avoir laché un pet involontairement sonore à table, se penche vers sa voisine et lui sussure ostensiblement : " Dites que c'est moi " !

Je lâche moi-même à cet instant un salvateur et tant attendu chapelet de gaz, qui me procure un appréciable soulagement.

Merci à vous, Monsieur, Maître, Votre Majesté Impériale, en cette phase d'alitement qui nuit à mon transit intestinal, de votre aide magnanime

La culture, tout de même...

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18 octobre 2006 3 18 /10 /octobre /2006 00:00

Appel de l'hôpital de jour de Becquerel.

"Bonjour, vous êtes Mr Nicolle ?"

"Jean-Marc" je réponds.

"On vient de recevoit les résultats de votre bilan de ce matin, il faudrait que vous veniez maintenant "

Le scoop !

Je me traîne comme une moule asthmatique dans un oreiller pur plumes depuis ce matin.

Pour dire ( j'explique, j'éclaire, j'élucide, méthode Audiard, façon puzzle, toujours trois fois...), depuis mon réveil j'évalue pifomêtriquement dans combien de temps je pourrais avoir envie de pisser, suite à mes sept arabicas, pour parvenir à me rendre à sept mêtre de mon lit de souffrance , c'est là ou se tiennent mes vespasiennes perso,sans tomber dans les pommes, entraînant  par insuffisance de préméditation des réactions émotionnelles néfastes chez Caro, laquelle est justement en train d'essayer d'habiller un certain monstre nommé Antoine, lequel habite chez nous, et devrait, selon toute probabilité, être noté comme présent à l'école POMPIDOU dans moins de sept minutes. (Il y a quelqu'un que j'aime, fin et compulsif lecteur, comme moi, qui me dit que mes phrases sont trop longues, et qui, malgrè un amour immodéré de la littérature, m'a avouén'avoir jamais pu dépasser , à sa grande honte, la première phrase du " temps perdu", malgré des essais estivaux réitérés, comme moi en somme . Mon cher Pascal, moi, ton Proust que je n'ai pas lu, je l'enterre quand je veux, et les Verdurin avec .)

L'infirmière, à 8h00:  soixantaine, bourge décolorée à mort, mules à talons, maladroite à souhait ( il est où, vote myélome? Il est diffus, madame, quel salaud matutinal...sans ses sept arabicas) méthodes à l'ancienne ( prélèvement sanguin à la seringue: génial ). Tout de suite je l'ai adorée.

N'empêche que le résultat des couses est que je n'ai que 7,3 grammes d'hémoglobine ( normale vers 17G, quelque chose comme ça ), d'où hypoxie cérébrale et déconnage mental aisément constatable dans ces lignes.

"Il faudrait que vous veniez maintenant, on a besoin de vous tansfuser en urgence "

J'accours.

En ambulance

Couché.

Il faut que j'avoue qu'il y a un certain plaisir à être gravement malade ( c'est le mot "gravement" qui est particulièrement suave )

Le côté " je vais mourir...." ( j'aimerai maîtriser suffisamment l'outil informatique pour écrire les mots précédents façon " tremblé").

Le crédit que du coup on t'accorde, le respect que tu imposes ( surtout si tu souffres, ça en impose un max, la souffrance, c'est le plan mortel, si j'ose dire ).

Quand j'étais petit, c'est Mamie qui se ramenait avec son cataplasme à la moutarde ( elle disait ' synapise"), les jours de bronchite, autant dire tous les jours de l'hiver, et dans le Nord, l'hiver,ça dure, et qui me disair " c'est moins chaud qu'hier, ça va aller mon petit, laisse faire Mamie ). Et elle posait le plus vite possible ces saloperies de cataplasmes archibouillants sur mon torse souffreteux, de jours en jours  plus calcinants, que la peau s'en allait en lambeaux. Et chaque jour  que Dieu m'imposait son impitoyable et injuste souffrance pulmonaire, et que mes cataplasmes ruinaient ( déjà) notre bonne vieille sécu, alors largement excédentaire, mais je vous parle d'un temps que les moins de trente-cinq ans ne peuvent pas connaître, ma Mamie adorée se pointait avec ses remêdes de bonne femme auquels je faisais semblant de croire, qui me faisaient affreusement mal sans résulat véritablement notoire, mais qui symbolisaient dans mon cervau d'enfant tout l'amour et l'aveugle confiance que je portais à Mamie.

N'empêche qu'à 7,3 grammes, t'es pas bien.

Tu déconnes, tu délires, tu votes Front National, t'adhères à la LCR ( en même temps, logique ), tu pries, tu crois ce qu'on dit à la radio ( et même à la télé si tu descends en dessous de la barre fatale des sept grammes ), t'achètes trois palettes de claquettes tonifiantes vues sur le télé-achat  de M6.

T'es carrément mal.

On me perfuse, chichement ( il faudra revenir demain).

Conclusion à la Jean de la FON TAINE :

"Mieux valent sept grammes trois d'alcoolémie,

que d'hémoglobine, ma mie."

( pas très en forme, je dois être à peine à 8 grammes )

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